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Changement d'orientation 

   C’est en lisant la dernière lettre de l’abbé Pagliarani signée en ce début de mars 2020 que nous est venue l’idée d’ouvrir à nouveau cet ouvrage fondamental du Fondateur de la Fraternité, Monseigneur Marcel Lefebvre (+ 25 mars 1991) : « Ils l’ont découronné ».

 

Les jeunes générations semblent ne pas connaître cet ouvrage et peut-être même, une génération plus ancienne. Sans faire partie des ‘anciens’, l’actuel Supérieur général de la FSSPX n’est plus un jeune prêtre. Est-ce un oubli, une perte de mémoire, ou autre chose ?

 

Pourquoi ces prêtres semblent-ils ne pas - ou ne plus - connaître cet ouvrage ? Parce qu’ils écrivent et agissent comme si ce livre majeur de Monseigneur n’existait pas, comme par exemple aussi son « Itinéraire spirituel », tout à la gloire du Christ, qui est Roi.

 

Illustrons notre propos.

 

L’abbé Pagliarani a écrit une « Lettre aux Amis et bienfaiteurs », publiée ces jours derniers (voir : https://fsspx.news/fr/news-events/news/lettre-du-superieur-general-aux-amis-et-bienfaiteurs-89-55517 ).

 

Est mise en parallèle, à la venue en 1969 de la nouvelle messe, la naissance de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Don Davide fait de la Fraternité Saint-Pie X la réponse au nouvel ordo : « Nous nous trouvons actuellement entre deux anniversaires importants : d’une part, il y a cinquante ans, la nouvelle messe était promulguée et, avec elle, les fidèles se sont vu imposer une nouvelle conception de la vie chrétienne, adaptée aux soi-disant exigences modernes. D’autre part, nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de la fondation de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Il va de soi que ces deux anniversaires ont une relation assez étroite, car le premier événement demandait une réaction proportionnée. »

 

Cette réaction est pour le Supérieur général de la Fraternité la fondation de cette œuvre d’Église : la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

 

N’est-ce pas un raccourci rapide et erroné ?

 

Citons quelques extraits des Statuts de la Fraternité Saint-Pie X qui ont en effet bien entendu parlé de la sainte Messe, cette Société étant « apostolique, parce que le sacrifice de la Messe l'est aussi et parce que ses membres auront généralement à exercer un ministère extérieur. Ils vivront dans cette conviction que toute l'efficacité de leur apostolat découle du Sacrifice de Notre Seigneur qu'ils offrent quotidiennement. » (Statuts, I-2). « La Fraternité est mise spécialement sous le patronage de Jésus Prêtre, dont toute l'existence a été et demeure sacerdotale et pour qui le Sacrifice de la Croix a été la raison d'être de son Incarnation. Aussi les membres de la Fraternité, pour lesquels le « Mihi vivere Christus est » est une réalité, vivent tout orientés vers le sacrifice de la Messe qui prolonge la sainte Passion de Notre Seigneur. » (Statuts, I-3). « Conformément aux désirs et aux prescriptions si souvent renouvelés des papes et des conciles, la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin et ses principes philosophiques seront l'objet principal des études au Séminaire ; ainsi les séminaristes éviteront avec soin les erreurs modernes, en particulier le libéralisme et tous ses succédanés. » (Statuts, III-1).

 

Si les Statuts, écrits en 1970, disent bien que c’est le sacerdoce son but essentiel et donc la sainte Messe son corollaire évident, Mgr Lefebvre n’y dit rien précisément au sujet de la crise de l’Église et du libéralisme, du modernisme. Il aura l’occasion de traiter abondamment jusqu’à sa mort de ce fléau qui, justement, a suscité la naissance, le développement de cette si belle œuvre. Si belle jusqu’à sa mort et jusque dans sa mort.

 

Les derniers écrits de l’Archevêque témoignent de la pureté de sa doctrine, non amoindrie par le libéralisme qu’il condamna tant de fois, dans sa source et dans ses effets. Déjà, et c’est la première attaque aux fléaux issus du dernier concile, nous voyons dans les Statuts une remarque importante contre les erreurs à démasquer : « Conformément aux désirs et aux prescriptions si souvent renouvelés des papes et des conciles, la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin et ses principes philosophiques seront l'objet principal des études au Séminaire ; ainsi les séminaristes éviteront avec soin les erreurs modernes, en particulier le libéralisme et tous ses succédanés. » (Statuts, III, 1)

 

Le mal est nommé : libéralisme. Mgr Lefebvre donna de nombreuses conférences, aux séminaristes, aux prêtres, aux fidèles, sur cette maladie si importante, source de tant de maux.

 

Il est facile, mais faux et réducteur, de montrer à la face du petit monde de la Tradition en 2020 une Fraternité Saint-Pie X, un Monseigneur Lefebvre des années 70.

 

Jusqu’aux sacres de 1988, il disait par exemple qu’il répondrait à l’appel des papes successifs qu’il se rendrait à Rome s’il y était invité. A partir des sacres, il précise sa pensée :

« Controverses : Les contacts avec Rome ne sont pas rompus. Il paraîtrait même que des discussions pourraient reprendre cet automne. Pouvez-vous nous en parler ?

Mgr Lefebvre : Ce sont des inventions. Si jamais il y a de la part de Rome une volonté de reprendre les conversations, c'est moi cette fois qui poserai les conditions. Comme l'a dit le cardinal Oddi : « Mgr Lefebvre est en position de force. » C'est pourquoi j'exigerai que la discussion porte sur des points doctrinaux. Qu'ils en finissent avec leur œcuménisme, qu'ils redonnent son vrai sens à la messe, qu'ils redonnent la vraie définition de la foi, qu'ils redonnent la vraie définition de l'Église, qu'ils rendent à la collégialité son sens catholique et ainsi de suite.

J'attends d'eux une définition catholique et non libérale de la liberté religieuse. Il faut qu'ils acceptent l'Encyclique Quas primas sur le Christ-Roi, et le Syllabus (Pie IX). Il faut qu'ils acceptent tout cela, car c'est dorénavant la condition de toute discussion nouvelle entre eux et nous. » (Propos recueillis par Eric Bertinat (Entretien paru dans "Controverses" N° 0 – septembre 1988 - Source : Le Rocher – District FSSPX de Suisse, n° 84 de d'août-septembre 2013).

 

L’Archevêque a largement parlé après 1970-1980, nous aimons à répéter et marteler cette vérité. Les Statuts de la FSSPX n’ont pas changé depuis leur origine jusqu’à nos jours. Et pourtant cinquante ans ont passé depuis. Monseigneur a affiné, précisé les Statuts, plusieurs fois. Il suffit de lire l’Itinéraire spirituel (1990), dès sa préface : « C'est parce que le règne de Notre Seigneur n'est plus au centre de préoccupations et de l'activité de ceux qui sont nos ‘præpositi’ qu'ils perdent le sens de Dieu et du sacerdoce catholique, et que nous, nous ne pouvons plus les suivre. » Le Christ est Roi, c’est le point central de toute l’activité épiscopale du Fondateur d’Ecône. C'est par ces mots-clé que l'on peut résumer sa vie.

 

Le temps passe passe et les coups de gomme sont nets. Dans une décennie ou deux, dans la mémoire des prêtres, des fidèles, il restera de Monseigneur Lefebvre un évêque pieux, mais pas combattif pour l'honneur du Christ-Roi.

 

Nous aurions aimé lire sous la plume du successeur de Monseigneur ces lignes : « Dieu, Jésus-Christ, l'Église catholique, le saint Sacrifice de la Croix et de la Messe, le vrai Sacerdoce catholique ne sont pas œcuménistes, parce qu'ils proclament un Credo et pratiquent une Loi anti-œcuménistes ; ils travaillent au règne universel du Roi des Rois : Jésus-Christ crucifié - "Un seul Dieu, une seule foi, un seul Baptême" (Eph. 4, 5). » (Itinéraire spirituel, p. 61, édition de 1990). Non, rien du Christ-Roi dans la lettre du Supérieur général. Doctrine dépassée ? Doctrine non rappelée en tout état de cause dans une Lettre d’une si haute importance, que tous les prêtres et fidèles attendent.

 

Le libéralisme est bien présent dans les milieux de la Tradition (tenues immodestes pas combattues, remarques volontairement pas faites ; ‘vagabondage’ dominical, les fidèles allant à l’une ou l’autre des messes ‘tradi’, quelle qu’en soit la ‘couleur’, etc.). Prêcher la grandeur de la Messe, oui bien sûr il faut le faire, sans oublier la base et le but : la Royauté du Christ.

 

Si l’on fait du combat qui est mené la Messe et non plus le Christ-Roi, on est infidèle à la pensée, aux directives, à la vie même de Monseigneur Lefebvre. Rien ne sert de se réclamer de sa Fraternité, ou encore de se proclamer fidèle dépositaire du trésor légué à ses fils dans le sacerdoce. La Fraternité tombera comme les autres Sociétés religieuses et sacerdotales depuis 1988 : dans le libéralisme ouvert et affiché, avant une reconnaissance canonique en bonne et due forme. Elle se fait ‘par palier’ (cf. accord entre Rome et la FSSPX, du 23/09/2014), et c’est déjà beaucoup, d’ailleurs bien plus finement que par un ‘tampon’ officiel.

 

L'avez-vous noté ? Dans sa « Lettre aux Amis », l’abbé Pagliarani ne parle pas une seule fois de Monseigneur Marcel Lefebvre. Jamais non plus, il ne parle du Christ-Roi. Grande est notre surprise… mais peut-être sommes-nous bien naïf… Voici en tout cas la nouvelle mouture d’une Fraternité qui fête son jubilé cette année. Quelle tristesse ! Cette Lettre pèche par omissions et en telle matière, c’est grave.

 

Pour clore ces quelques mots, nous recommandons à nos lecteurs la courte étude qui se trouve sur les Tables de presse du Couvent de la Haye-aux-Bonshommes à Avrillé (49240) : « Comment voir clair dans la situation actuelle de la Tradition ? » (octobre 2018).

 

Prions Notre-Dame de Fatima et saint Joseph, ardent défenseur du Christ-Roi contre de nouveaux Hérode qui Le détrônent, fussent-ils en soutane, mitrés ou non.

 

Martin Dalbanne

Vendredi 6 mars 2020

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